La désignation d’un bénéficiaire est l’un des éléments les plus importants dans une planification successorale. Elle peut en effet avoir des conséquences importantes pour le particulier et ses proches. Pourquoi, précisément ?
Introduction à la notion de bénéficiaire, en cinq idées clés.
1. Qu’est-ce que la désignation d’un bénéficiaire ?
La désignation d’un ou de bénéficiaires consiste à préciser, dans un document ayant une valeur légale, la ou les personnes qui auront le « bénéfice » de vos biens à la suite de votre décès, vos biens pouvant inclure une propriété immobilière comme un terrain et les bâtiments qui y sont construits, de l’argent, des placements, et toute autre possession personnelle. C’est donc la façon la plus sûre de vous assurer que vos biens seront distribués conformément à vos volontés.
À noter que, comme il s’agit d’une considération légale, de nombreuses dispositions peuvent varier selon les lois de la province où la désignation s’appliquera. Il peut donc être important d’obtenir des conseils avisés, plutôt que de vous en remettre à des sources dont l’information pourrait ne pas être pertinente dans votre province.
2. Comment désigne-t-on un bénéficiaire et quels sont les avantages d’une telle désignation ?
Typiquement, c’est dans un testament qu’on désignera son ou ses bénéficiaires, ce qui permet de préciser de quelle façon on souhaite que sa succession soit gérée ou transférée à ses bénéficiaires. Cependant, certains produits financiers, comme des polices d’assurance, des contrats de rente ou des fonds de placement garantis (aussi appelés fonds distincts), permettent aussi de désigner des bénéficiaires : cette désignation peut se faire au moment de la signature du contrat et peut être mise à jour à tout moment avant le décès du détenteur (du moment que cette personne conserve sa pleine capacité à exercer ce choix). Nommer un bénéficiaire autre que la succession sur une police d’assurance vie pourrait faire en sorte que le produit de cette police soit versé directement aux bénéficiaires nommés, à l’extérieur du processus de liquidation de la succession, permettant ainsi à ces derniers de recevoir les pleins montants prévus et plus rapidement. En outre, les prestations versées à un bénéficiaire nommé dans un produit financier pourraient ne pas être soumises à des frais d’homologation dans les provinces où de tels frais s’appliquent au processus successoral. Sous certaines conditions, la désignation d’un bénéficiaire dans le cadre d’un produit d’assurance pourrait aussi offrir une protection contre les créanciers.
On peut aussi désigner un bénéficiaire pour des régimes enregistrés comme un régime enregistré d’épargne-retraite (REER), un fonds enregistré de revenu de retraite (FERR) ou un compte d’épargne libre d’impôt (CELI). D’importantes conditions peuvent cependant s’appliquer selon la province.
À noter que le fait de pouvoir désigner ses bénéficiaires à la fois par testament et dans le cadre d’un contrat en assurance de personnes ou un autre produit financier peut engendrer des enjeux particuliers lors du décès, en particulier si les désignations ne sont pas harmonisées. Enfin, il faut aussi savoir que, selon la province, des frais d’homologation pourraient s’appliquer lorsque la succession est nommée bénéficiaire. Ces facteurs, de même que plusieurs autres, doivent être pris soigneusement en considération avant de déterminer la méthode de désignation qui s’applique le mieux à la situation particulière de chaque personne.
3. Qui peut être bénéficiaire ?
Généralement, lorsqu’on utilise une police d’assurance ou un produit financier admissible, un bénéficiaire est nommé par le détenteur de la police ou des placements en question. Dans certaines situations, la désignation peut être automatique et hors du contrôle de la personne : par exemple, lorsqu’on souscrit une assurance sur son hypothèque auprès d’une institution bancaire, le bénéficiaire sera le détenteur de l’hypothèque, c’est-à-dire la banque. Les désignations les plus courantes sont cependant en faveur d’une personne proche qui a l’âge de la majorité. Si on désigne une personne mineure, on verra à ce qu’un fiduciaire soit aussi désigné dans l’éventualité où on décéderait avant que le bénéficiaire soit d’âge légal. On peut aussi désigner sa succession comme bénéficiaire ou encore, à certaines conditions, un organisme de bienfaisance admissible (ce qui pourrait comporter des avantages fiscaux). À noter que certains émetteurs de produits financiers exigeront que le bénéficiaire ait avec la personne un « lien significatif » ou un intérêt partagé, ce qui s’applique le plus souvent dans le cadre de stratégies d’entreprise. Pour une police d’assurance, on parlera, dans ces cas, « d’intérêt d’assurance ».
4. Y a-t-il différents types de bénéficiaires ?
Il existe en effet différents types de bénéficiaires, dont les dénominations peuvent varier selon les législations. Ainsi, vous devrez généralement désigner un bénéficiaire « principal » et un bénéficiaire « secondaire » ou « alternatif » ou « subsidiaire », dans l’éventualité où la personne désignée comme bénéficiaire principal décéderait avant vous.
Un bénéficiaire peut également être révocable ou irrévocable. Cette distinction est très importante : alors que vous pouvez changer de bénéficiaire révocable à votre guise, vous ne pouvez remplacer un bénéficiaire irrévocable qu’avec son consentement. Ici encore, cependant, il importe de réitérer que les dispositions entourant la désignation d’un bénéficiaire peuvent varier selon la législation provinciale qui s’applique. Dans une province comme le Québec, par exemple, désigner comme bénéficiaire la personne avec qui vous êtes marié ou uni civilement en fait de facto votre bénéficiaire irrévocable, à moins que vous ne précisiez spécifiquement que la désignation est révocable.
5. Que peut-il arriver si on est négligent dans la désignation de son bénéficiaire ?
Il existe plusieurs cas de figure où une désignation mal avisée peut engendrer des conséquences indésirées, mais le plus notable est celui où aucun bénéficiaire n’est désigné nommément (on présume ici une désignation dans le cadre d’une police d’assurance vie où le détenteur de la police et la vie assurée sont la même personne).
Dans ce cas, la totalité de l’actif, y compris les polices d’assurance, devra passer à travers le processus de liquidation de la succession, ce qui n’était peut-être pas le but recherché. Cela signifie notamment que les obligations envers les créanciers de la succession devront être acquittées d’abord et que le produit de l’assurance sera soumis au processus d’homologation dans les provinces où cela s’applique. Dans un tel scénario, les bénéficiaires pourraient recevoir moins que ce qui était désiré, voire rien du tout si la succession était lourdement grevée de dettes. Une juste désignation des bénéficiaires dans le cadre de la police d’assurance pourrait permettre d’éviter ce scénario.
Une bonne raison, parmi plusieurs autres, pour laquelle il pourrait être important de désigner un ou des bénéficiaires, de ne pas le faire à la légère et de réviser régulièrement ses désignations.
Les sources suivantes ont été utilisées dans la rédaction de cet article.
Autorité des marchés financiers, « 8 questions et réponses pour démystifier l’assurance vie ».
Desjardins Assurance vie, « Désignation de bénéficiaires ».
Epilogue, « What Does It Mean To Make A Beneficiary Designation? » ; « Beneficiaries 101 ».
Finance et investissement, « Désigner un bénéficiaire, oui, mais encore faut-il le faire correctement ».
Financial Services Commission of Ontario, « What is a beneficiary? ».
Gouvernement du Canada, « Assurance vie ».