1. Le conseil, plus important que jamais
Que vous soyez entrepreneur ou employé, il est possible que votre situation financière et fiscale soit très différente de ce qu’elle était à la même date dans le passé. Du point de vue fiscal, notamment, plusieurs questions pourraient devoir être clarifiées : telle dépense peut-elle être déduite, telle subvention doit-elle être remboursée et, si oui, à quel moment? Les versements d’acomptes provisionnels retardés pourraient-ils donner lieu à des pénalités? Si vous avez déjà remboursé certains montants reçus en trop, comment ceux-ci seront-ils traités fiscalement? Plusieurs décisions peuvent découler de telles questions, et il pourrait être utile d’en discuter avec votre fiscaliste, votre expert-comptable, votre représentant en épargne collective ou votre conseiller en sécurité financière, selon le cas – d’autant plus que le gouvernement fédéral divulgue de nouvelles dispositions périodiquement.
2. Des subventions imposables
D’emblée, cependant, on sait que les subventions versées cette année, aux particuliers comme aux entreprises, seront imposables. Si vous exploitez l’une des quelque 356 000 entreprises qui ont obtenu la Subvention salariale d’urgence du Canada (SSCU), cela signifie que les montants reçus doivent être ajoutés à votre revenu net : ils augmenteront l’impôt à payer, ou réduiront la perte dont vous pourriez vous réclamer. De même, si vous avez fait appel au Compte d’urgence pour les entreprises canadiennes (CUEC) – un prêt sans intérêts dont une partie pourra être radiée –, il importe d’en planifier le remboursement avant le 31 décembre 2022 – sinon, le prêt portera intérêts.
3. Un choc pour certains particuliers?
Si vous êtes l’un des 8,9 millions de particuliers qui ont perçu la Prestation canadienne d’urgence (PCU), vous pourriez avoir reçu jusqu’à 14 000 $ sur lesquels aucun impôt n’a été payé : ce montant imposable sera appliqué à votre prochaine déclaration de revenus. Cependant, si vous aviez versé des déductions à la source durant les deux mois et demi qui ont précédé la pandémie, et que ces déductions étaient basées sur un revenu « normal » plus élevé, ces DAS pourraient venir réduire le montant dû. Au total, quel solde d’impôt devrez-vous payer? Difficile à dire sans faire le calcul précis. À noter que des modalités fiscales variables peuvent s’appliquer aux nombreuses subventions offertes par les gouvernements.
4. Le temps d’utiliser ses pertes?
L’une des stratégies fiscales les plus usuelles en fin d’année est la réalisation de pertes en capital par la vente de certains placements, pertes qui peuvent être appliquées contre des gains en capital afin de réduire la facture d’impôt. Si vous anticipez un avis de cotisation plus élevé que par le passé et avez des gains en capital réalisés, c’est une stratégie dont vous pourriez discuter avec votre conseiller. Attention, cependant, aux règles dites de « pertes apparentes », qui vous interdisent de vendre et racheter immédiatement le même placement aux seules fins de réaliser une perte. Enfin, notez que cette stratégie n’est envisageable que dans un compte imposable, ce qui exclut les REER, FERR, REEE et CELI.
5. Marchés financiers : l’année se termine le 29 décembre
À cet égard, notez que vous avez jusqu’au 29 décembre pour faire des transactions sur titres, au Canada, en 2020. Après cette date, les transactions seront attribuées à l’année 2021, parce que le délai de règlement est de deux jours ouvrables sur les marchés financiers canadiens.
6. Télétravail : quelle incidence fiscale?
En cette période où un grand nombre d’entreprises ont opté pour le télétravail, plusieurs questions sont soulevées quant au traitement fiscal des coûts assumés par l’employeur et par l’employé. Au moment où ces lignes sont écrites, il semblerait que l’Agence du revenu du Canada considérerait que le remboursement de frais de bureau par l’employeur – par exemple, pour l’achat d’une chaise, d’une table ou d’un ordinateur – serait libre d’impôt jusqu’à concurrence de 500 $. À l’inverse, si vous avez encouru des dépenses pour travailler à la maison, vous devriez pouvoir déduire certaines d’entre elles. Dans sa mise à jour économique du 30 novembre, la ministre des Finances, Chrystia Freeland, a laissé entendre que les Canadiens en télétravail pourront déduire jusqu’à 400 $ sans devoir produire un relevé de leurs dépenses, ni un formulaire signé de leur employeur. À noter que dans la majorité des cas, cependant, les employeurs devront produire des relevés fiscaux spécifiques pour confirmer les conditions d’emploi de leur personnel.
7. Moins de REER l’an prochain?
Une des conséquences insoupçonnées de la baisse de revenu de plusieurs particuliers pourrait être la réduction de leur marge de cotisation REER de 2021. Si vous cotisez sous la forme de prélèvements mensuels, peut-être voudrez-vous faire ajuster ceux-ci pour éviter de sur-cotiser et de vous exposer à des pénalités. Au besoin, vous pourriez aussi vouloir réviser votre planification de retraite, pour vous assurer que votre stratégie est toujours alignée avec votre situation.
8. REER : nouveau plafond à 27 830 $
À cet égard, il faut signaler que la marge de cotisation REER d’un particulier est fixée à 18 % de son revenu gagné de l’année précédente, jusqu’à concurrence d’un certain plafond. En 2020, ce plafond est de 27 230 $, alors qu’il passera à 27 830 $ en 2021. Rappelons qu’une cotisation faite dans les 60 premiers jours de l’année 2021 pourra être appliquée, au choix, à l’année 2020 ou à l’année 2021. Si vous prévoyez que vos revenus seront très différents au cours de ces deux années, au point de vous placer dans deux tranches d’imposition différentes, vous pourriez baser votre décision sur le montant de déduction que votre cotisation pourrait vous rapporter dans l’une ou l’autre année.
9. Salaire, dividende, dépenses d’entreprise et revenu passif
Pandémie ou non, certaines décisions doivent être généralement envisagées en fin d’année. Si vous possédez une PME, l’une de celles-ci concerne la forme sous laquelle votre entreprise vous verse vos revenus personnels : salaire ou dividende. À cet égard, il pourrait être important de tenir compte des règles sur le revenu passif, c’est-à-dire le revenu que votre entreprise tire de ses placements. Comme le montre le graphique suivant, tout revenu passif au-delà de 50 000 $ vient réduire le montant de votre profit qui est admissible à la déduction pour petite entreprise – autrement dit, « le petit taux » d’imposition. Cette réalité pourrait vous amener à considérer certaines décisions sur vos placements, vos dividendes, vos salaires et vos autres dépenses d’entreprise.
10. CELI : pas de changement
Le plafond annuel de cotisation au CELI demeurera de 6 000 $ en 2021. Toute personne qui avait au moins 18 ans lorsque le régime a été créé, en 2009, dispose donc de droits de cotisation cumulatifs de 69 500 $. Pour les autres personnes, ces droits dépendent de l’année où elles ont atteint l’âge de 18 ans. Rappelons que dans un CELI, tous les gains et revenus sont libres d’impôt, même au retrait. Cependant, ce type de compte comporte des règles. Ainsi, si vous prévoyez faire un retrait, ce pourrait être une bonne idée de le faire avant le 31 décembre. Vous dégagerez ainsi une marge de cotisation équivalente dès 2021. Si vous attendez en janvier, vous ne récupérerez ce droit de cotisation qu’en 2022. Si vous ignorez cette règle, vous pourriez vous retrouver en situation de surcotisation et vous exposer à une pénalité mensuelle de 1 %.
11. 71 ans, le temps de passer au FERR ou à la rente
Si vous atteignez 71 ans en 2020, vous avez jusqu’au 31 décembre pour effectuer une dernière cotisation à votre REER et, en outre, vous devez fermer celui-ci avant la fin de l’année. Vous aurez à ce moment deux options : soit retirer tous vos fonds de votre REER (attention, la somme entière serait alors imposable), soit les transférer dans un véhicule de décaissement, comme un fonds enregistré d’épargne-retraite (FERR) ou une rente.
12. FERR : mesure spéciale pour 2020
Toujours concernant les FERR, notez que le retrait minimal que les détenteurs doivent effectuer chaque année a été réduit exceptionnellement de 25 % pour 2020, en raison des effets financiers de la pandémie. Si vous n’avez pas encore complété vos retraits, vous pourriez donc retirer moins d’argent et alléger ainsi votre facture d’impôt. Malheureusement, si vous avez déjà retiré la somme totale prescrite, il semble, selon les dernières informations, que vous ne pourrez pas ajuster rétroactivement vos retraits en remboursant votre FERR.
13. RAP : maintenant ou en 2021?
Le régime d’accession à la propriété, ou « RAP », permet de retirer jusqu’à 35 000 $ de son REER, en franchise d’impôt, afin de financer l’achat d’une première propriété. On dispose ensuite de 15 ans pour rembourser le REER. À noter qu’en vertu du RAP, on a jusqu’au 1er octobre de l’année suivant le retrait pour acheter ou construire sa maison. Si votre projet n’est pas encore ficelé, vous voudrez peut-être vous prévaloir du RAP en début d’année 2021 plutôt que maintenant, ce qui vous procurera un an de plus pour le réaliser.
14. Dons planifiés
Un don fait en 2020 à un organisme de bienfaisance admissible engendrera un crédit d’impôt sur votre prochaine déclaration de revenus. Si vous disposez de sommes importantes, cependant, peut-être souhaiterez-vous inscrire vos dons dans une véritable stratégie de dons planifiés. Cette stratégie pourrait notamment faire appel à des dons sous la forme de titres de placement admissibles, dont le gain en capital sera alors exempt d’impôt. Des conseils professionnels sont évidemment requis pour mettre en place une telle stratégie.
15. Le REEE : toujours d’actualité
Cette année où l’accès aux salles de classe a été compliqué nous rappelle l’importance de l’éducation dans nos vies. À cet égard, n’oublions pas que les cotisations à un régime enregistré d’épargne-études (REEE) donnent droit à une subvention, la Subvention canadienne pour l’épargne-études (SCEE), qui comporte deux volets : la SCEE de base, de 20 % du montant cotisé sans égard au revenu familial, et la SCEE supplémentaire, qui peut ajouter de 10 % à 20 % selon le revenu familial. Au Québec, l’Incitatif québécois pour l’épargne-études vient ajouter 10 % du montant cotisé, jusqu’à un maximum de 3 600 $ sur la vie du régime. En Colombie-Britannique, la Subvention pour l’épargne-études et l’épargne-formation offre une aide additionnelle pouvant atteindre 1 200 $. À noter que les familles à faible revenu ont également droit au Bon d’études canadien, qui peut atteindre 2 000 $.
16. Les distributions de fin d’année
Si vous investissez dans des fonds communs de placement, n’oubliez pas que plusieurs de ceux-ci distribuent leurs revenus à leurs porteurs de part en fin d’année. Si votre placement est détenu à l’extérieur d’un régime enregistré, cela pourrait se traduire par un relevé de revenus de placement que vous devrez appliquer sur votre prochaine déclaration de revenus, même si vous n’avez pas disposé de vos parts.
AUTRES CONSIDÉRATIONS
Enfin, deux dernières remarques à l’intention des entrepreneurs qui planifient leur prochaine année.
17. D’abord, sachez que vous pourriez devoir composer avec une augmentation des charges sur votre masse salariale, puisqu’une augmentation des taux de cotisation au Régime de pensions du Canada (RPC) et au Régime de rentes du Québec (RRQ) est prévue sur les sept prochaines années. En 2021, on parle d’une augmentation de 3,8 % pour le RPC et de 3,5 % pour le RRQ.
18. Enfin, au terme de cette année qui a mis le moral de la population à rude épreuve, un enjeu inhabituel pourrait se profiler à l’horizon pour les employeurs : la gestion et les coûts liés à la santé mentale des employés (absentéisme, baisse de productivité, services médicaux, etc.). Selon un sondage récent de la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante, la majorité ne s’estimerait pas préparée devant ce nouveau risque.
Comme on peut le voir, l’année qui se termine et celle qui s’annonce ne ressemblent à aucune autre que nous avons connue. Pour un examen plus complet des décisions qu’elles pourraient exiger, communiquez avec votre représentant en épargne collective, votre conseiller en sécurité financière, votre comptable ou votre fiscaliste.
Les sources suivantes ont été utilisées dans la rédaction de cet article.
Actualis, « Qu’est-ce que le revenu passif ? » ; « L’outil financier de la rentrée : le REEE ».
CQFF, « La planification fiscale de fin d’année ».
Finance et investissement, « Fiscalité 2020 : encore beaucoup d’inconnus » ; « Les prestations remboursées n’affecteront pas vos impôts » ; « Stratégies financières et fiscales en temps de pandémie » ; « Certains paramètres retraite 2021 sont maintenant disponibles » ; « Davantage de taxes pour les PME en 2021 ».
FCEI, « À partir du 1er janvier, les hausses du RPC/RRQ vont durement frapper les PME et leurs employés, avertit la FCEI » ; « COVID-19 et PME : état de situation ».
Financial Post, « Ottawa raised the Home Buyers' Plan limit to $35,000 — here's how to take advantage of it ».
Gouvernement du Canada, « Le gouvernement du Canada publie le document Soutenir les Canadiens et lutter contre la COVID‑19 : Énoncé économique de l’automne de 2020 » ; « Demandes à ce jour - Subvention salariale d'urgence du Canada (SSUC) » ; « Options pour vos REER lorsque vous atteignez 71 ans ».
Investment Executive, « Understanding new Covid benefits can be a taxing process » ; « Which home-office expenses can be reimbursed tax-free? » ; « 2021 TFSA limit announced » ; « Income and gains on TFSA overcontributions can remain in account, CRA says ».
La Presse, « Sommet historique et plan de relance sur trois ans » ; « Philanthropie : quand donner ses actions profite à tout le monde ».
Radio-Canada, « « Télétravailleurs » salariés, commencez à penser à vos impôts » ; « Les dépenses gonflent le déficit fédéral à au moins 382 milliards ».
TaxTips, « Trade Date vs Settlement Date, Last Trading Date for 2020 ».
The Globe and Mail, « Why it’s an ideal time to be making RRIF withdrawals. ».
TMX, « Settlement Schedule for 2021 ».